Dans les arts martiaux japonais, certains éléments passent souvent inaperçus aux yeux des non-initiés. Ils ne sont ni spectaculaires, ni bruyants. Mais ce sont eux qui transforment une technique apparemment anodine en une action réellement efficace. Le KoKoDo JuJutsu est une discipline profondément marquée par cette logique de subtilité et de précision. L’un de ses aspects les plus révélateurs s’appelle le Gakkun.
Qu’est-ce qu’un Gakkun ?
Le Gakkun est un point de pression appliqué avec précision sur certaines zones du poignet, souvent à l’aide de la base de l’index. Il permet à la fois d’obtenir un déséquilibre immédiat chez Uke (le partenaire) et de focaliser son attention sur une douleur vive, créant ainsi une ouverture. Tori (celui qui réalise la technique) peut alors poursuivre son action dans des conditions optimales, sans opposition.
Un Gakkun bien exécuté provoque une douleur ciblée et aiguë, suffisamment forte pour que le corps d’Uke réagisse de manière instinctive. Face à ce signal de détresse, il va naturellement chercher à soulager cette douleur. C’est dans cette tentative de libération que naît le déséquilibre, celui que Tori exploite pour faire basculer la suite de la technique, sans avoir besoin de forcer.
Un art du relâchement… chirurgical
Le Gakkun ne s’improvise pas. Il ne suffit pas d’appuyer quelque part pour déclencher l’effet escompté. Cela demande du relâchement, de la précision, du placement, un bon angle, et une intention claire. C’est un outil de grande finesse, qui agit sur le système nerveux et la biomécanique d’une manière aussi efficace que discrète.
En KoKoDo, nous ne cherchons pas à blesser, mais à neutraliser. Le Gakkun n’est pas une punition infligée à l’adversaire : il est un levier qui déclenche une réaction naturelle, sans violence, sans heurt, mais avec une redoutable efficacité.
Apprendre le Gakkun : de la douleur à la subtilité
Pour apprendre à faire un Gakkun, il faut d’abord accepter de le subir. C’est en ressentant cette pression bien placée, cette douleur nette et désorganisante, que l’on commence à comprendre ce qu’elle provoque et pourquoi elle est si efficace.
J’utilise souvent, dans mon enseignement, une image simple mais évocatrice : celle d’une brique… et d’une aiguille. Elle permet d’illustrer comment la pression peut être répartie, dirigée, concentrée. Mais pour en saisir toute la portée, il faut venir la vivre sur le tatami.
Ce n’est qu’après avoir compris cette base, douleur, relâchement, déséquilibre, que l’on peut commencer à entrevoir les différentes façons d’appliquer un Gakkun. Il en existe plusieurs, chacune avec ses subtilités, ses effets, son intensité. Mais pour les découvrir… il faudra pratiquer. Car certaines choses ne se transmettent pas par des mots. Seulement par l’expérience.
Une expérience japonaise gravée dans le corps
Je me souviens avec précision de ma formation Sandan (3e dan) au Japon. Lors d’un de mes séjours, j’ai eu le privilège de travailler directement avec deux Shihan de l’école, dont Seamark Hanshi. Le matin, deux heures d’entraînement intense, sans aucune explication. Juste les techniques du programme, passées à vitesse réelle, sans retenue.
Et avec elles… une démonstration très concrète de ce que peut produire un Gakkun bien placé.
Impossible pour moi de passer quoi que ce soit. Mes tentatives étaient inefficace, tandis que les leurs coulaient avec une facilité déroutante. J’étais pris dans un flot de techniques où mon corps n’avait pas le temps de comprendre ce qu’il subissait. La douleur était précise, localisée, brutale dans son efficacité.
L’après-midi, même programme. Encore deux heures de ce que je pourrais appeler, avec du recul, une initiation par le feu.
Puis, après ces deux heures d’entraînement, Seamark Hanshi reste avec moi pour un travail lent et en douceur sur le programme du Sandan. Je suis épuisé… Il reste encore une bonne heure d’entraînement prévue, mais je ne serai pas en état de la faire. Je suis liquide...
Le lendemain, la formation a réellement commencé, avec explications et moult détails. Cette expérience peut paraître rude au premier abord, mais c’est une véritable chance de l’avoir vécue. Elle m’a permis de casser la vision erronée que j’avais des Gakkun, et surtout de lever les limites que j’imposais inconsciemment à leur efficacité… et à la douleur qu’ils peuvent provoquer. Ce fut un tournant décisif dans ma pratique.
Le respect au cœur de l’efficacité
Le KoKoDo JuJutsu enseigne une voie de maîtrise, pas de domination. Le Gakkun incarne parfaitement cette philosophie. Il nous montre qu’il est possible de désorganiser un adversaire sans brutalité, simplement en comprenant comment fonctionne son corps… et comment y accéder avec précision.
Conclusion : une sensation qu’il faut vivre pour comprendre
Le Gakkun fait partie de ces éléments qui ne se comprennent pas tant qu’on ne les a pas ressentis. On peut vous l’expliquer, vous le montrer, vous en parler… mais tant que vous ne l’avez pas vécu, il reste une idée abstraite.
Si vous êtes pratiquant, curieux, passionné par les arts martiaux japonais, et que vous souhaitez découvrir ce que peut vraiment signifier « un « Gakkun », venez faire un essai, un stage, une rencontre. Venez vivre le Gakkun.
Ganbatte kudasai !
Commenter cet article