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ganbatte

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Pour mon 6ème (22 maintenant) séjour au Japon, j'ai décidé d'ouvrir un blog, au programme : JuJutsu, Shiatsu, Sakura, Koyo et autres joyeusetés nippones :)

Publié le par Eric ANFRUI
Publié dans : #Japon

Pourquoi le respect au Japon dépasse les simples règles de bienséance pour devenir une véritable philosophie de vie.

Le Japon, royaume de la politesse : entre respect codifié et générosité du cœur

Quand on découvre le Japon pour la première fois, on est frappé par une atmosphère paisible et bienveillante qui contraste fortement avec le tumulte de nos sociétés occidentales. Ici, tout semble pensé pour que la vie en société soit fluide, harmonieuse, presque silencieuse. Le respect y est partout : dans les mots, les gestes, les attitudes. Il n’est pas seulement une règle sociale, mais une valeur profonde, vécue avec sincérité.

 

Le respect, pilier fondamental de la culture japonaise

 

Le respect au Japon s’ancre dans une valeur essentielle : le wa (和), qui désigne l’harmonie. Maintenir cette harmonie est au cœur du comportement individuel. Il s’agit de ne pas gêner l’autre, de préserver la paix collective. Ce souci constant de ne pas déranger s’exprime dans toutes les interactions : on s’incline pour saluer, on parle à voix basse dans les lieux publics, on évite tout comportement ostentatoire. 

Le keigo, langage honorifique japonais, reflète cette volonté d’ajuster sa manière de parler selon la relation hiérarchique ou affective. Cette délicatesse dans le langage, que l’on pourrait qualifier de subtile ou de raffinée, est un véritable art que les Japonais apprennent dès l’enfance. Dans cette société, on ne s’impose pas : on cherche à se fondre dans le groupe, à respecter la place de chacun, à créer une atmosphère où chacun peut évoluer sans crainte d’être jugé ou heurté.

 

Une scène de rue révélatrice : s’excuser pour exister ensemble

 

Je me souviens d’un moment qui m’a profondément marqué. Je me rendais à l’entraînement à pied, dans un quartier résidentiel de Saitama. Ce quartier, paisible et structuré, regorge de croisements et de petites rues. Une femme à vélo me dépasse sans marquer l’arrêt au stop. Au même moment, une voiture arrive. Le choc est évité de peu, mais la cycliste chute.

Je vous invite à faire une pause ici. Imaginez cette scène en France. Imaginez les réactions, les gestes, les mots. Puis revenons au Japon.

Le conducteur s’est immédiatement arrêté, est sorti de sa voiture, et a couru vers la cycliste pour l’aider à se relever. Il s’est excusé, encore et encore. La cycliste, de son côté, s’est excusée tout autant. Un échange d’excuses mutuelles, respectueuses, presque cérémoniales. Aucune animosité, seulement une volonté sincère de réparer l’harmonie momentanément rompue.

Cette scène m’a bouleversé. Elle incarne une idée essentielle : au Japon, s’excuser n’est pas une question de tort ou de faute. C’est une manière de reconnaître l’autre, d’assumer sa place dans l’espace partagé, et de contribuer à rétablir une paix commune. C’est une forme de noblesse du cœur.

 

La politesse au quotidien : une discipline intérieure

 

Le respect ne s’arrête pas aux grandes situations. Il est présent partout, tout le temps. Dans le métro, chacun attend calmement son tour, en file. Personne ne parle fort, personne ne téléphone. Les gens évitent de se toucher. On entre dans le wagon sans bousculade, on sort sans précipitation. Même dans les plus grandes gares de Tôkyô, où la densité de population est écrasante, l’ambiance reste feutrée.

Le Japon, royaume de la politesse : entre respect codifié et générosité du cœur

Je me souviens d’un jour où, perdu dans une immense station de métro, je cherchais désespérément la bonne sortie. Je me suis tourné vers un homme qui allait prendre une autre direction et je lui ai demandé mon chemin. Il aurait pu me l’indiquer rapidement. Il ne l’a pas fait. Il a traversé toute la gare avec moi, pendant plus de dix minutes, pour être certain que je trouve ma destination. Il n’attendait rien en retour. Il a simplement choisi de m’aider, par respect, par sens du devoir, ou peut-être simplement par gentillesse.

Ce type de comportement n’est pas exceptionnel au Japon. Il reflète une forme de bienveillance discrète, non démonstrative, mais profondément ancrée dans la culture. Une politesse qui ne cherche pas à briller, mais à servir.

 

Dans le dôjô : le respect comme socle de la pratique martiale

 

C’est dans les arts martiaux japonais que cette philosophie du respect prend une dimension encore plus tangible. Le dôjô est un lieu sacré, un espace de transformation intérieure où chaque geste, chaque attitude, chaque mot compte. On salue en entrant, on salue en sortant. On salue ses partenaires, ses enseignants, le lieu lui-même.

Dans le Kokodō Jujutsu, que j’ai la chance de pratiquer et d’enseigner, cette attention à l’autre est constante. Loin d’un simple rituel, elle guide notre manière de bouger, de saisir, de projeter. Elle nous rappelle que notre progression passe par le respect du corps de l’autre, de ses limites, de sa confiance. Chaque entraînement est un échange, jamais une confrontation.

La rigueur du keikogi plié avec soin, le silence respectueux pendant les explications, la gratitude exprimée à la fin de chaque pratique : tous ces gestes sont autant de manifestations d’une discipline du cœur. Ils nous enseignent la patience, l’humilité, et l’écoute.

 

Une inspiration pour notre quotidien

 

Ce respect omniprésent peut, vu de l’extérieur, sembler contraignant. Trop de règles, trop de retenue, trop de formalisme ? Peut-être. Mais ce que j’ai observé, ce que j’ai ressenti, va bien au-delà. Cette manière d’être ensemble crée un climat de confiance et de sécurité. Elle permet à chacun de s’exprimer dans un cadre serein. Le respect devient alors une liberté. Celle de ne pas se sentir agressé, ni obligé d’ériger des défenses permanentes.

Ce que j’ai appris au Japon, je m’efforce de le transmettre dans ma pratique, dans mon enseignement, et dans ma vie quotidienne. Le respect, la politesse, la bienveillance ne sont pas des contraintes, mais des chemins vers une relation plus profonde aux autres. Et peut-être aussi à soi-même.

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