Les arts martiaux sont empreints d’histoire, de tradition et parfois de mystère. À l’origine, la mystification avait un rôle bien précis, notamment au Japon, où les techniques de combat étaient jalousement gardées pour préserver les secrets du clan et éviter qu’ils ne tombent entre de mauvaises mains. Cette dissimulation stratégique avait alors une raison d’être : protéger et transmettre un savoir précieux uniquement aux initiés.
Mais aujourd’hui, cette mystification prend parfois une autre forme, bien moins justifiée. Il arrive qu’elle serve davantage à masquer une méconnaissance ou une incompétence, souvent au détriment des pratiquants. Lorsqu’on débute, il est naturel de se fier aux grades et aux titres de l’enseignant, en pensant qu’ils garantissent nécessairement un niveau technique élevé. Pourtant, avec l’expérience, on réalise que ces grades ne sont pas toujours synonymes d’excellence et que d’autres critères doivent entrer en jeu pour évaluer la qualité d’un enseignement. (Y compris du notre, ne nous reposons pas sur nos grades)
Certaines explications laissent perplexe. J’ai déjà entendu des phrases comme : « Il ne chute pas parce qu’il a mal, mais parce que je suis sur sa sphère émotionnelle » Mais que signifie réellement cette expression ? Uke (Celui qui subit) tombe-t-il parce qu’il ressent une émotion ? Laquelle ? Peur, joie, tristesse, dégout, surprise ?
Autre exemple fréquent : « Vous verrez quand vous irez au Japon… ». Cette phrase, souvent prononcée d’un ton mystérieux, sous-entend que certaines vérités ne peuvent être comprises qu’une fois sur place, rendant l’apprentissage inaccessible tant qu’on ne s’est pas rendu à la source. S’y ajoutent des silences lourds de sous-entendus, un langage corporel et des non-dits qui entretiennent un flou souvent préjudiciable à la progression des élèves.
Les Conséquences pour les pratiquants et les enseignants touchés par ce phénomène
Cette mystification nuit à l’apprentissage, y compris à celle de l’enseignant. Plutôt que d’apporter une réelle compréhension technique, elle entretient le doute et freine l’évolution. Pourtant, il ne s’agit pas de tout rejeter en bloc. Il y a toujours du bon à prendre, mais il est essentiel d’apprendre à faire le tri entre les explications utiles et celles qui relèvent du flou artistique.
Loin de vouloir accuser les enseignants de mauvaise foi, il est important de souligner que beaucoup agissent sans intention de nuire. Simplement, ce qui est clairement conçu s’explique clairement. Or, lorsqu’on ne comprend pas parfaitement ce que l’on fait, il est difficile de l’enseigner avec clarté. C’est ainsi que, parfois sans s’en rendre compte, certains basculent dans un discours empreint de mysticisme.
Prenons un exemple concret : « Il faut se détendre, ça marchera mieux. » En réalité, ce n’est pas en se détendant que la technique devient efficace, mais bien parce que la technique est bien exécutée qu’on peut alors se détendre. Tant que les principes fondamentaux ne sont pas en place, la détente seule ne sera d’aucune utilité.
Vers un Enseignement Plus Clair
Alors, comment éviter ces écueils ? Que vous soyez enseignant ou élève, privilégiez des explications concrètes et rationnelles. Tout peut être expliqué en termes d’angles, de hauteur, de distance, de direction, de pression, etc. Évitez les descriptions trop abstraites et préférez des démonstrations claires et mesurables.
Les images et comparaisons peuvent être de formidables outils pédagogiques si elles sont bien utilisées. Dire : « C’est comme si tu tournais un tournevis », « lançais une canne à pêche » ou « frappais un sac de frappe placé devant ton genou » permet d’illustrer un mouvement de manière plus parlante, tant que ces comparaisons servent une explication technique précise.
Personnellement, j’ai toujours préféré les enseignants qui n’ont pas de Uke attitré. Ceux qui demandent un volontaire parmi les élèves pour démontrer une technique inspirent davantage confiance. Cela montre qu’ils ont pleinement confiance en leur savoir-faire, sans préparation préalable ni partenaire trop complaisant. C’est une approche que je privilégie également aujourd’hui dans mon propre enseignement : clarté, pragmatisme et démonstrations sans Uke attitré.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Avez-vous rencontré des situations similaires ? Quelles sont vos astuces pour distinguer un enseignement authentique d’un discours trop imprécis ? Mais aussi en tant qu’enseignant, faites vous attention à avoir des explications concrètes ?
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